Quand Degas croise Monet
Un après-midi chez Durand-Ruel
Le contexte historique d'une rencontre
Paris, février 1876. L’hiver est particulièrement froid cette année-là, et la brume qui enveloppe la capitale donne aux boulevards haussmanniens cette atmosphère particulière que les peintres modernes affectionnent tant. La galerie de Paul Durand-Ruel, rue Le Peletier, est un refuge chaleureux pour les artistes qui osent défier les conventions de l’académisme.
Quand Degas croise Monet
Deux artistes au sommet de leur art
Ce jour-là, Edgar Degas arrive d’un pas vif, un portfolio sous le bras. Il vient livrer une de ses nouvelles études sur les danseuses de l’Opéra. Ce thème l’obsède depuis plusieurs années. Après ses premières œuvres sur les courses hippiques de la fin des années 1860, dont son célèbre « Chevaux de courses devant les tribunes » de 1868, il s’est progressivement tourné vers le monde du ballet et de l’Opéra.
Une conversation historique
La rencontre dans la galerie
Dans la galerie, Claude Monet est présent. Installé à Argenteuil depuis 1874, il y a trouvé un cadre idéal pour son travail sur la lumière naturelle. Les deux années qu’il a déjà passées dans cette petite ville des bords de Seine lui ont permis de développer sa technique, capturant les reflets sur l’eau, les voiles blanches des régates, et les effets atmosphériques créés par le mélange des fumées industrielles et des nuages.
L'échange artistique
« Vos danseuses et mes paysages de Seine devraient se rencontrer plus souvent », lance Monet en regardant la nouvelle toile de Degas. « Ils partagent la même quête du mouvement. » Degas, connu pour son esprit caustique, se laisse aller à un rare moment de complicité artistique : « Vos reflets sur l’eau dansent comme mes ballerines, mon cher. Nous cherchons la même chose par des chemins différents. »
Le rôle de Durand-Ruel
Un marchand visionnaire
Paul Durand-Ruel, sentant l’importance du moment, invite les deux artistes dans son bureau. Le marchand, qui a misé toute sa fortune sur ces peintres modernes, leur offre un café et sort une bouteille de cognac.
Quand Degas croise Monet
Les défis de l'impressionnisme
La conversation s’anime. On parle technique, bien sûr – Monet explique comment il installe son chevalet au bord de l’eau, parfois dans une barque, pour saisir au plus près les reflets changeants. Degas décrit ses soirées à l’Opéra, où il croque inlassablement les mouvements des danseuses pendant les répétitions.
Les préoccupations des artistes
Les difficultés du moment
1876 est une année charnière pour l’impressionnisme. Si certains collectionneurs commencent à s’intéresser à cette nouvelle peinture, la critique reste féroce. Le terme même d' »impressionniste », lancé comme une moquerie par le journaliste Louis Leroy après avoir vu le tableau de Monet « Impression, soleil levant », est encore une insulte dans la bouche des académiciens.
Les invitations mutuelles
« Venez donc à Argenteuil« , propose spontanément Monet. « Les régates du dimanche vous offriraient de nouveaux sujets. Les corps des rameurs, la tension des voiles, le mouvement de l’eau… Ce serait dans votre style. » En échange, Degas propose à Monet de visiter les coulisses du Palais Garnier, récemment inauguré.
L'héritage de cette rencontre
Deux visions de l'impressionnisme
La nuit tombe sur Paris. Les deux artistes se quittent, retournant chacun à leur univers : Degas vers son atelier du boulevard de Clichy, Monet vers la gare Saint-Lazare où il prendra le train pour Argenteuil.
Un moment dans l'histoire de l'art
Quand Degas croise Monet, cette rencontre, bien que romancée dans ses détails, s’appuie sur la réalité historique : la relation entre les deux peintres, le rôle crucial de Durand-Ruel, les lieux et les préoccupations de l’époque.
Monet est en pleine période argenteuillaise (1874-1878), développant sa technique qui le mènera plus tard aux Nymphéas, tandis que Degas, après ses premières œuvres sur les courses hippiques, explore de plus en plus le monde de la danse.
Elle nous rappelle également que les grands mouvements artistiques naissent souvent de la rencontre entre des personnalités différentes, unies par leur désir de renouveler l’art de leur temps.